« En fin d'été, les abatteurs considéraient que la viande bovine était trop chère », déclare Gérard Doré, président de la section bovine de la FRSEA Bretagne. « Cette position nous a exaspéré, car nous devons faire face à des hausses de coûts qui n'ont pas encore été répercutées ». En jeune bovin, le coût de production se situe autour de 4 € du kg alors que le prix de vente avoisine 3,50 €/kg de carcasse. « Aujourd'hui, il manque au minimum 30 ct/kg pour rémunérer la main d'oeuvre ».
De 900 à 1 000 €/mois
En femelle de race à viande, l'écart entre prix de vente et coût de production serait également autour de 50 ct/kg soit près de 200 € par animal. « Le revenu d'un éleveur de vaches allaitantes est actuellement entre 900 et 1 000 € par mois, ce qui est nettement insuffisant compte tenu des capitaux engagés, du temps passé et des risques encourus », estime Claude Henry, président de la section bovine FDSEA 22. Le manque de rentabilité a stoppé les investissements chez les producteurs. Il a aussi découragé les jeunes de s'installer, depuis quelques années. Cet été, les industriels de la viande se sont inquiétés de voir la production s'organiser dans le cadre d'un GIE national, le GEF (groupement d'export français). Les abatteurs voient en effet d'un mauvais œil partir vers d'autres destinations (la Turquie, le Magreb...), des animaux qui passaient par leur chaîne d'abattage. La Turquie se sert du levier taxe pour attirer les courants commerciaux d'animaux vivants sur son territoire. En effet, elle taxe les carcasses à 75 % et les animaux vivants à 15 % seulement. Elle n'applique aucune taxe sur les animaux destinés à l'engraissement. Au port de Sète, les animaux vivants ont rapidement remplacé les carcasses qui partaient en camions frigos vers la Turquie. Ce qui a permis à ce pays de faire tourner ses outils d'engraissement et ses abattoirs.
Atteindre 4€/kg
« Le GIE Export a donné un ballon d'oxygène aux éleveurs », se félicitent les responsables syndicaux bretons, fiers de sa réussite, « malgré l'opposition de Coop de France et du SNIV ». « C'est un levier qui nous permet d'agir pour obtenir une augmentation des cours dans la région », souligne Gérard Doré. « Le prix de 2,40 €/kg en vif pour un bovin partant à l'export équivaut à 4 €/kg en carcasse. Or les abattoirs locaux rechignent à payer ce prix aux producteurs bretons, ils avancent à tous petits pas ». « En veaux de boucherie, la situation est également critique », selon les producteurs présents. La rémunération moyenne de 75 € par veau en intégration ne permet pas de dégager un revenu. Les banques refusent les projets d'installation ou d'agrandissement. « Si aucun effort n'est fait par les abatteurs, la filière veaux disparaîtra dans quelques années, par manque de renouvellement ». « Les abatteurs estiment qu'ils sont en surcapacité d'abattage », poursuit le président de la section bovine. « Ils doivent comprendre que, faute de prix rémunérateurs, la disparition d'une partie des éleveurs créera, à terme, une pénurie de matière première. Au contraire, une meilleure rémunération du maillon production redonnerait de la visibilité et des perspectives pour pérenniser la production bretonne et installer de nouveaux éleveurs ». Patrick Bégos