Entretien avec Gérard You. Économiste à l'Institut de l'élevage, spécialiste des questions laitières
Chute brutale : Le prix moyen du lait standard payé aux éleveurs en 2008 s'est élevé à 337 €/mille litres. Compte tenu du prix moyen payé en avril, on pourrait avoir un prix du lait moyen en 2009, autour de 270 à 280 € les mille litres. Cela ramènerait le prix du lait au niveau de ce qu'il était en 2006.
La France au frein. à l'issue de la campagne laitière 2008-2009, la France a réduit sa collecte malgré un quota national accru de 2,5 %. Elle termine la campagne avec une sous-réalisation record supérieure à 1 milliard de litres de lait. Ce qui correspond à 5 % de son droit à produire. Dans l'Union européenne, deux pays, les Pays-Bas et le Danemark ont totalement réalisé leur quota sur la dernière campagne. L'Italie qui demeure en excédent structurel n'a pas accru sa production en 2008.
L'Ouest mieux armé. Des éleveurs diversifiés dans les régions intermédiaires et dans les zones de montagne peuvent choisir d'arrêter : la motivation par le prix est un élément très important dans l'esprit des éleveurs laitiers. La résistance peut être plus importante dans le Grand Ouest, où les conditions climatiques sont favorables à la production fourragère. Les systèmes utilisant finement les ressources de l'exploitation, notamment l'herbe, peuvent faire le dos rond. Les systèmes économes et autonomes n'ont plus de marge et leur rémunération va être amputée.
Des concurrents redoutables. Le modèle danois n'est pas envisageable, ni transposable en France. Il repose sur une articulation voire une intégration forte entre éleveurs très modernisés, mais aussi très endettés, et une entreprise coopérative qui a le monopole de la transformation. Ce système est soutenu par le secteur bancaire.
La volatilité des prix. Ellepeut être gérée par contractualisation avec l'usine qui collecte ou avec l'interprofession. Mais les Français doivent garder en permanence un oeil sur leurs concurrents européens. Dans l'Europe à 27, la France ne pèse plus que 16 à 17 % de la production de lait.
Remontée possible des prix. Dans un premier temps, la chute des prix du lait dans tous les grands bassins va ralentir la croissance de la production mondiale à commencer par celle de l'Europe. De leur côté, les États-Unis, vont connaître un arrêt de croissance et pourquoi pas une contraction. Les prix y sont retombés au niveau des prix euopéens. Une offre mondiale moins dynamique, parallèlement à une reprise de la demande avec des prix des produits laitiers raisonnables, devrait entraîner un redressement des cours du prix du lait au premier semestre 2010.
La guerre du lait pourrait être relancée
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La colère blanche des producteurs de laitLes producteurs aspergent de lait les industriels de LactalisAvant toute chose, je souhaite revenir sur ce qui s'est passé ce matin. ll s'agit d'une agression physique inqualifiable et inacceptable. Nous n'acceptons pas ces méthodes. C'est la première fois qu'une telle situation arrive. Heureusement. Sur le prix du lait... En 2008, nous avons connu une hausse du prix du lait de 18 %. Cette année, la production est en baisse. Mais les stocks mondiaux sont encore très hauts. Aujourd'hui, je rappelle que le cours du lait pour la production industrielle, de beurre et de poudre par exemple, est de 175 euros les 1 000 litres. Pour amortir l'effet catastrophique de la baisse des prix, nous sommes en train de diversifier notre production en investissant vers des produits à forte valeur ajoutée.
Comprenez-vous la colère de ces agriculteurs qui ont du mal à vivre de leur production ?
Oui, la situation est dramatique pour certains producteurs, il ne faut pas l'ignorer. Il faudra bien trouver un mécanisme de régulation des prix, une question à traiter avec les pouvoirs publics. Il n'est pas normal que la variation des cours soit aussi forte. C'est un problème, aussi pour l'entreprise. Nous avons sûrement atteint le point le plus bas. Mais il ne faut pas broyer du noir non plus, nous pensons que la situation va s'améliorer.
Comment est fixé le prix du lait ?
Dans chaque région, une commission interprofessionnelle se base sur ces recommandations nationales pour établir une recommandation tenant compte des spécificités régionales (zone de montagne, appellation d'origine contrôlée...). Ces prix sont généralement respectés par tous les industriels de la région. Ces derniers peuvent appliquer des majorations ou minorations en fonction de la qualité du lait (taux de matières grasses, taux de protéines) ou de la volonté d'encourager la production de lait dans les saisons basses (notamment l'été). Des compléments de prix peuvent aussi être appliqués en fonction des résultats financiers de la laiterie.
L'an dernier, la profession a été pointée par la DGCCRF, qui a qualifié d'entente le mode de fixation des prix du lait au sein de l'interprofession. Les conflits entre producteurs et industriels, privés de moyen de fixation des prix, ont alors repris à la fin de l'année. Faute de trouver un mode de détermination alternatif, les pouvoirs publics ont alors accordé à la profession une dérogation de cinq mois. Celle-ci s'est achevée au mois de mars. « Les industriels n'ont pas souhaité siéger aux dernières commissions régionales et nationale, mettant en avant la fin de la dérogation. Il faut que les pouvoirs publics nous redonne les moyens de discuter des prix sans tomber sous le coup de la DGCCRF », explique Thierry Roquefeuille, secrétaire général de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL). Les marchés laitiers étant toujours aussi déprimés, la bagarre entre les producteurs et les industriels est alors repartie de plus belle...
P.D.
jeudi, 14 mai 2009
source: France 3 Normandie
Des agriculteurs ont mené des actions dans la nuit du 13 au 14 mai contre trois laiteries de l'Orne
Des producteurs de lait ont lancé dans la nuit du 13 au 14 mai des actions "coups de poing" dans l'Orne contre les laiteries Lactalis de Domfront et Sodiaal d'Alençon, à l'initiative des Jeunes agriculteurs (JA).
D'après les gendarmes, les producteurs étaient 20 à Domfront et 50 à Alençon. Selon les JA, ils étaient 250 à 350 à Domfront et 150 à 200 à Alençon.
Mécontentement des agriculteurs de l'Orne |
Les producteurs se trouvaient peu après-minuit dans les bureaux des directeurs de ces deux laiteries. "Nous sommes en discussion sur les prix du lait. Le bureau du directeur a été retourné", a indiqué Stanislas Delabasle, responsable lait des Jeunes Agriculteurs (FNSEA) de l'Orne, à Alençon.
"Nous avons fait tomber une clôture pour pouvoir rentrer dans la laiterie. C'est tendu", a ajouté Stéphane Davy, président des JA de l'Orne à Domfront.
Interrogé par l'AFP, les gendarmes ont indiqué peu après minuit que ces actions n'avaient "pas" entraîné de "dégradation". "Ca se passe plus ou moins dans le calme", a indiqué un gendarme.
Sept camions étaient en outre bloqués devant la fromagerie Gillot à Saint-Hilaire-de-Briouze, que des producteurs du 13 mai au 14 mai au matin.
Comme en Haute-Normandie, les producteurs de Basse-Normandie protestent contre la baisse du prix da lait. Les agriculteurs devraient recevoir quelque 210 euros pour 1.000 litres contre 305 euros au début de l'année. |
Danone : le blocage continue |
Le blocage de l'usine Danone de Ferrières-en-Bray se poursuivait jeudi 14 mai. "Nous avons seulement obtenu le principe du retour à la table des négociations la semaine prochaine", a indiqué Max Bottier, militant de l'Union syndicale agricole de la Seine-Maritime. |
Manifestation des producteurs de lait à Vire à l'occasion de la venue de Michèle Alliot-Marie. Photo : Jean-Yves Desfoux
A Vire (Calvados), des producteurs ont particulièrement perturbé la visite de la ministre de l'Intérieur Michèle Alliot-Marie venue inaugurer une école de pompiers en s'introduisant sur le site et en en bloquant momentanément les accès.
Après le départ de la ministre, une centaine d'éleveurs se sont dispersés dans le centre de Vire avec une dizaine de tracteurs, perturbant gravement la circulation dans le centre-ville. Ils ont déversé un camion de lait devant la sous-préfecture. Des actions dans des grandes surfaces étaient prévues en soirée aux alentours, mais les magasins Intermarché et Leclerc ont fermé leurs portes.
Aussi en Ille-et-Vilaine
Des actions ont également eu lieu à Granville, où les producteurs de lait ont bloqué l'entrée du centre Leclerc. Leur mécontentement vise la grande distribution, responsable selon eux de la baisse du prix de vente du lait. A Coutances, Livarot et Avranches, les producteurs de lait ont mené des actions de même nature.
En Ille-et-Vilaine, quelques dizaines de producteurs de la FDSEA et des JA ont bloqué pendant plusieurs heures les parkings de deux grandes surfaces à Dol-de-Bretagne .
D'autres ont manifesté leur mécontentement devant une coopérative agricole dans l'Orne et devant une laiterie Bel près d'Amboise (Indre-et-Loire).
Effondrement des prix
Les producteurs, qui multiplient les actions depuis le début de la semaine, dénoncent un effondrement du prix auquel les industriels leur achètent leur lait. Ce prix, aux alentours de 210 euros les mille litres en avril, est en baisse d'environ 30% par rapport au début de l'année, selon les calculs de la Fédération nationale des producteurs laitiers (FNPL, émanation de la FNSEA).
Des producteurs devraient mener des actions "ciblées" en région parisienne devant les sièges de groupes agroalimentaires dès lundi, selon la FNPL qui a appelé à d'autres actions devant les préfectures le 19 mai. La Confédération paysanne, quant à elle, a annoncé une journée de mobilisation le 25 mai.