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« La Politique agricole commune n'a plus de sens »

23 Janvier 2009 , Rédigé par jr Publié dans #Pac

Agriculture
vendredi 23 janvier 2009

Nicolas-Jean Brehon, professeur à la Sorbonne: « On détruit des petites et moyennes exploitations et on les remplace par des usines à lait avec 2 000 vaches ». : Ouest-France

Pour le spécialiste en finances communautaires, elle est devenue un objet de rancoeurs. Sa réforme menace les agriculteurs de l'ouest.

Entretien

 

Nicolas-Jean Brehon est professeur à la Sorbonne à Paris.

Dans un récent point de vue (1), vous évoquez une « PAC sans cap », pourquoi ?

Je veux dire par là que la Politique agricole commune ne sait plus trop où elle va. Cap c'est aussi un clin d'oeil à la Cap, la « Common Agriculture Policy » souvent critiquée par les Anglais. On vient de lui faire un bilan de santé comme si elle était rentrée dans la vieillesse avec, on peut l'imaginer, une issue fatale au bout. La Pac n'a pas bonne presse. En vingt ans, elle a coûté 1 000 milliards d'euros, c'est énorme.

En négociant l'entrée de dix nouveaux États membres en 2004, Jacques Chirac a obtenu que le budget de la Pac soit figé jusqu'en 2013. La France a reçu, depuis cette date, 100 milliards d'euros, certains de nos voisins ont du mal à l'avaler. La Pac est devenue une cible, un point de fixation de rancoeurs et de critiques.

La redistribution d'une partie des aides vers le développement rural et des systèmes plus extensifs ne va-t-elle pas dans le bon sens ?

Je ne suis pas favorable au passage des aides du premier pilier, celui de la production, à celui du développement rural parce qu'on perd du sens. Je préfère un petit budget, mais qui soit 100 % agricole et basé sur l'alimentation. Occupons-nous de l'agriculture et des agriculteurs, les paysages, c'est autre chose, ils dépendent des fonds structurels.

En plus, la redistribution des aides du premier vers le deuxième pilier est anéantie par la suppression des quotas. En ouvrant les vannes de la production, on élimine une Pac à la française avec des vaches dans les champs, on détruit des petites et moyennes exploitations et on les remplace par des usines à lait avec 2 000 vaches.

 

Vous dites que les agriculteurs qui touchent les aides Pac sont« doublement humiliés », pourquoi ?

La réforme de 2003 a été une catastrophe. La Pac n'a plus de sens car elle ne soutient pas la production, mais sert d'outil de redistribution des revenus aux agriculteurs. Ils ne peuvent pas vivre sans les subventions européennes, car les prix de leurs produits sont trop bas.

En moyenne, 90 % de leurs revenus nets en France dépendent des subventions. Le circuit de la fourche à la fourchette ne fonctionne pas. Les denrées payées au minimum aux producteurs sont toujours trop chères pour le consommateur final. Aujourd'hui, les paysans se sentent un peu abandonnés malgré les efforts du ministre Barnier. Il défend ce qu'il peut, mais il ne répond pas à l'inquiétude de la profession d'où l'on sent le malaise monter.

Comment voyez-vous l'après 2013 ?

Je suis assez pessimiste. Le poids de la Pac décline petit à petit alors que le nombre de pays qui en bénéficie augmente. Elle ne pèserait plus à terme qu'un tiers du budget européen contre 42 % aujourd'hui. Les premières discussions démarreront en 2010. Il n'y a malheureusement pas de leader agricole pour défendre la Pac comme il faudrait.

Les responsables actuels obéissent à une logique trop corporatiste. Il faudrait un meneur capable de renouer les fils entre les agriculteurs et la société, une sorte de José Bové « pro-Pac ». On doit mettre l'environnement au centre des débats et ne pas le considérer du coin de l'oeil.

En vingt ans, les paysans nourriciers sont devenus des agriculteurs pollueurs. C'est une faute politique collective. Pour renouer avec l'opinion, qui est la clé de sa survie, la Pac doit surtout s'occuper de l'alimentation et moins des grandes plaines céréalières et betteravières. Ce sera difficile, les éleveurs le savent bien.

 

Propos recueillis par Jean-Paul LOUÉDOC
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