Par Ingrid Labuzan, 09 mars 2009
Donnera, donnera pas ? L'Ukraine, ainsi que toutes les banques engagées dans le pays, sont pendues aux lèvres du Fonds monétaire international (FMI). Après avoir versé une première tranche du prêt de 16,4 Mds$ qu'elle a accordé à l'Ukraine, l'institution hésite à ouvrir une nouvelle fois les cordons de sa bourse.
En cause, le non-respect des engagements budgétaires, résultat, entre autres, du combat politique que se livrent le président et son Premier ministre, qui fragilise toute stratégie politique durable. De l'argent, l'Ukraine en a besoin. Elle est également en quête d'un prêt de 5 Mds$ et s'est tournée pour cela, entre autres, vers la Russie, les États-Unis et l'Union européenne. L'UE s'est déjà refusé à augmenter le montant de ses aides, au grand désespoir de pays comme l'Autriche, qui craignent un effet domino de l'Ukraine vers l'UE si le système financier du pays devait s'effondrer.
Les banques françaises sont d'ailleurs largement implantées dans le pays – en 2004, BNP Paribas rachetait 51% de la troisième banque de détail du pays, UkrSibbank. Le risque d'une crise bancaire et monétaire est aujourd'hui si fort en Ukraine que l'agence de notation Fitch a dégradé la note de sa dette souveraine de B+ à B. Après une croissance du PIB de plus de 7% ces dernières années et de 6,4% en 2008, 2009 pourrait voir celle-ci chuter à 2,5%, pour ne remonter qu'à 4,3% en 2010, selon le FMI.
Fitch explique également que l'Ukraine a déjà employé un quart de ses réserves de devises, estimées à 28,8 Mds$ fin janvier, pour soutenir sa monnaie. Une cause presque désespérée puisque, entre septembre et décembre 2008, la valeur de la hryvnia a chuté de 50%. Elle a légèrement remonté depuis, mais reste fragile.
Si les céréales venaient à manquer
Derrière ces problèmes financiers se cachent les difficultés d'un autre marché : celui des matières premières agricoles. Le secteur agricole compte pour 10% dans le PIB du pays.
L'Ukraine est le cinquième plus grand exportateur de céréales au monde, selon Interex, un site d'information à destination des entreprises françaises exportatrices. "Avec la chute des cours des matières premières, des problèmes de financement dus à la crise, et donc le manque de moyens pour acheter des semis de qualité et des engrais, la surface des emblavements va chuter en Ukraine au moment des semis de printemps", alerte Hélène Morin, responsable des activités en Ukraine d'Agritel, spécialiste des matières premières agricoles.
Les surfaces plantées pourraient diminuer de 10 à 20%. Cette année, les agriculteurs sont en dessous de leur seuil de rentabilité, ce qui explique la décision de certains de ne pas semer, en particulier du maïs, ou de rogner sur la qualité, comme c'est le cas pour le blé. L'ancien grenier à blé de l'Europe est donc à la peine. En temps normal, sa capacité de production de blé pour une campagne – un cycle de récolte – est de 20 millions de tonnes. En 2008, les récoltes ont battu des records, à 24 millions de tonnes. Mais, les années de sécheresse, ce chiffre peut tomber à 13 millions.
Si la réduction des emblavements se conjuguait avec une catastrophe climatique, les récoltes de l'Ukraine pourraient être désastreuses en 2009. D'autant que le risque d'intempéries est très fort dans ce pays au climat continental et aux orages violents. Déjà, Hélène Morin évoque des estimations tablant sur une chute de la production céréalière de 30% pour 2009. Si d'autres catastrophes climatiques – l'une est déjà en cours en Argentine – devaient se produire dans le monde, les cours de matières premières pourraient se réveiller.
Le secteur agricole ukrainien mérite d'être surveillé, car le pays est tout de même dans un processus de rattrapage, visant à en faire à nouveau le vaste grenier à céréales qu'il fut.
Première parution le 26/02/2009 dans le numéro 22 de MoneyWeek